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Les chatouilles

Nedamik

Nedamik


Hello

Il y a apparemment beaucoup de chatouilles dans les légendes d'Amérique du Sud, on en trouve rapportées dans le premier tome de "Mythologiques" de Claude Lévi-Strauss, il semble que là-bas le rire n'était pas forcément un bon présage. Je vous partage une sélection d'extraits.

D'abord ce mythe dont j'avais déjà entendu parler il y a longtemps, les chatouilles utilisées pour départager les humains :

"Le démiurge Nedamik soumet les premiers humains à une épreuve en les chatouillant. Ceux qui rient sont changés en animaux terrestres où en animaux aquatiques : les premiers, proie du jaguar, les seconds capables de lui échapper en se réfugiant dans l'eau. Ceux des hommes qui savent rester imperturbables deviennent des jaguars ou des hommes chasseurs (et vainqueurs) de jaguars."


Dans la version, probablement erronée, que j'avais en mémoire ceux qui résistaient aux chatouilles devenaient les prédateurs de ceux qui y succombaient.

D'autres histoires dans lesquelles les personnages n'ont pas intérêt à être chatouilleux :

"Un cerf épousa la fille d'un jaguar, sans s'en douter d'ailleurs, car, à cette époque, tous les animaux avaient forme humaine. Un jour, il décide d'aller rendre visite à ses beaux-parents. Sa femme le met en garde : ils sont méchants et voudront le chatouiller. Si le cerf ne peut se retenir de rire, il sera dévoré. Les Kayapo, les hommes Guarayu méprisent le rire, qu’ils tiennent pour un comportement féminin."

"Sur le chemin qui les conduit au Grand Aïeul, les morts doivent subir diverses épreuves dont l’une consiste en des chatouillements, par un singe marimono (Ateles paniscus) aux ongles pointus. La victime qui rirait serait dévorée."

Il y a d'autres variations dans lesquelles l'épreuve consiste à rester impassible en mangeant du piment.

Cette histoire dans laquelle les chatouilles sont la cause du premier rire sur terre :

"Un homme était resté jardiner pendant que ses compagnons chassaient. Assoiffé, il gagna un point d’eau qu'il connaissait dans la forêt voisine et, comme il allait boire, il perçut un étrange murmure qui venait d'en haut. Il leva les yeux, et vit une créature inconnue suspendue par les pieds à une branche. C'était un Kuben-niépré, être à corps humain, mais avec des ailes et des pieds de chauve-souris.
La créature descendit. Elle ignorait le langage des humains, et entreprit de caresser l’homme, pour manifester ses dispositions amicales. Mais son enthousiaste tendresse s’exerçait avec des mains froides et des ongles pointus, dont la titillation arracha à l’homme le premier éclat de rire.
Amené dans la caverne, semblable à une haute demeure en pierres, où habitaient les chauves-souris, l’homme remarqua qu’il n°y avait aucun objet ou ustensile sur le sol, recouvert seulement par les déjections des chauves-souris qui se tenaient suspendues à la voûte. Les parois étaient entièrement ornées de peintures et de dessins.
Ses hôtes accueillirent l’homme avec de nouvelles caresses ; il n’en pouvait plus, tant il était chatouillé et tant il riait. Quand il fut à bout de forces, il s’évanouit. Longtemps après, il reprit connaissance, réussit à s'enfuir et regagna son village."


Deux histoires similaires :

"Il y avait Aigle, et il y avait son frère cadet Moufette. Aigle passait tout son temps à la chasse. Une femme survint, Moufette la cacha. Quand Aigle rentrait le soir, il se déchargeait de son gibier et dormait dans la cabane. Moufette bavardait dans l'ombre avec sa femme et, en s'éveillant au petit jour, Aigle s'inquiétait de savoir avec qui son cadet parlait et riait dans l'obscurité. Celui ci répondait :
- Je ris parce qu'une souris vient me voir, me court sur le visage (ou me mord les fesses)."


"A l'insu de son frère Épi, Dyai prit pour épouse une jeune fille qui lui était miraculeusement apparue. Il la roula entre ses mains pour la rendre toute petite et la cacha dans sa flûte.
Quatre nuits de suite, il la retira du tuyau, la prit dans son hamac et joua avec elle en silence. La cinquième nuit, elle rit et les petits coquillages de ses bracelets tintèrent.
- Frère, demanda aussitôt Épi, avec qui ris-tu donc ?
— Avec personne, répondit Dyai, c'est le balai qui rit parce que je l'ai chatouillé. "


Une dans laquelle les chatouilles endorment :

"Autrefois, la mère du jaguar était la maîtresse du feu. Les animaux se concertèrent pour voler un tison. Le tatou essaye d'abord : il va chez la vieille, prétend qu'il a froid, demande et obtient la permission de se chauffer. Il chatouille la vieille sous les bras pour l'endormir, et quand il sent que les muscles se relâchent, il prend un tison et se sauve."

Dans d'autres légendes mentionnées on utilise les chatouilles pour forcer quelqu'un à montrer ses dents et révéler son identité.
Dans une autre encore on désigne le personnage de "Castor" pour aller récupérer et ramener le feu sur terre car contrairement aux autre personnages il est capable de ne pas rire lorsqu'il est chatouillé par le feu.

Re: Nedamik

Super intéressant !! C'est fou de voir l'évolution de la perception des chatouilles jusqu'à aujourd'hui ! Merci du partage !