Histoire : On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans...

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Histoire ajoutée le 08/11/2014
Épisode ajouté le 08/11/2014
Mise-à-jour le 03/07/2021

On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans...

Une petite anecdote personnelle absolument véridique (j'ai moi aussi en horreur les gens qui confondent fiction et réalité)

J'avais 17 ans, je passais le mois de juillet en Espagne, à Salamanque, pour un séjour linguistique dans une famille d'accueil. On se retrouvait tous les jours entre Français pour diverses activités, après lesquelles nous nous donnions rendez-vous dans le petit parc de la ville.

Un peu à part du groupe, j'étais le seul à ne me rendre qu'épisodiquement à ce rendez-vous, dans la mesure où je ne me sentais pas très proche de mes compatriotes, préférant souvent rester chez mes hôtes et discuter avec mon colocataire américain.

Le groupe de Français (on avait tous à peu près le même âge) était divisé en deux camps. D'un côté, les garçons, la plupart banlieusards, parisiens ou lyonnais, de milieu populaire. Certains, du reste, affichaient leur fierté « Sarcelles Power ». De l'autre, il y avait trois filles qui fréquentaient la bande. Elles étaient d'origine plutôt bourgeoise.

La première, la seule dont j'ai retenu le prénom, s'appelait Anne. C'était la fille d'un expatrié travaillant en Afrique, où elle vivait. Les garçons la charriaient souvent à ce sujet, lui reprochaient d'être une fille de colon. Elle s'en défendait avec véhémence, mais paraissait au final justifier la présence française en Afrique avec des arguments douteux... Elle avait la peau très blanche, les traits fins, quelques tâches de rousseur, une bouche large et volontiers rieuse. C'était la plus extravertie des trois. Sa taille svelte, ainsi que son air moqueur ou méprisant, lui donnaient beaucoup de charme, même si elle n'était pas spécialement jolie.

Sa copine de vacances avait toutes les apparences d'une bourgeoise du 16ème arrondissement (à moins qu'elle n'habitât Neuilly ou une ville dans le genre, je ne sais plus). Je l'avais entendue une fois faire une blague de mauvais goût sur les jeunes de banlieue promis à un avenir sombre, et l'un des garçons, par ailleurs complètement extérieur au groupe, qu'il méprisait ouvertement, et qui ne viendrait jamais à nos réunions, l'avait sèchement rabrouée : « c'est drôle ? Elle est nulle à chier, ta vanne », lui avait-il rétorqué. Elle n'avait su que répondre, se renfrognant dans une calme indifférence. Elle était d'apparence grassouillette, tout en restant très féminine.

La plus mignonne des trois, enfin, était introvertie, mais nullement timide : plutôt sur la défensive, et affichant une certaine fragilité. Je crois que beaucoup d'entre nous la craignaient à cause de sa froideur distante, tout en raillant ses attitudes de « pimbêche ».

Il y avait un jeu de séduction entre garçons et filles, mêlant la guerre des sexes à une guerre de classes larvée, le tout assaisonné d'une compétition virile pour la conquête des femmes.

Ce jour-là, j'avais finalement décidé d'aller au rendez-vous, bien que je n'en eusse pas très envie. Les garçons m'avaient déjà demandé pourquoi je n'étais pas venu la veille, etc. Que dire ? Leurs histoires ne m'intéressaient guère... De plus, les filles ne me portaient pas vraiment dans leur estime, surtout Anne, la fille d'expat, qui m'ignorait ostensiblement pour une raison qui m'échappe encore. Et puis, je n'étais pas très sûr de moi.

Lorsque j'arrivai au square, les esprits étaient déjà bien échauffées, les choses, à l'évidence, s'étaient corsées au sein du petit groupe. Cette fois, les garçons entouraient les filles de près, surtout Anne, qui leur tenait tête, comme en défi. Je ne sais plus qui s'adressa aux autres, quelque chose comme : « Si on leur chatouillait les pieds ? ... »

Anne avait un mouvement de recul en protestant, et interdisait qu'on la touchât, avec sa moue rigolarde toujours prête à s'esclaffer, mais le piège se resserrait autour d'elle...

« Ah non alors, pas les pieds... »

Mais le plan s'exécuta de façon quasi instantanée car avant même que j'eusse pris conscience de la situation, ils l'avaient déjà renversée dans l'herbe et déchaussée, et je sentis ses pieds nus frôler mon visage dans l'affairement de la mêlée. Au passage, je reçus un coup de talon sur le bout du nez, bien que je n'aie pas pris part à l'action. Je suis bien certain que la garce me l'avait destiné tout spécialement. J'entrevis à l'occasion ses pieds longs et fins, et gardai la sensation de la corne du talon entre le nez et la bouche.

Les garçons l'avaient promptement empoignée, et immobilisée dans l'herbe, l'un lui maintenait les mains un peu au-dessus de la tête, les deux autres soulevaient ses chevilles avec fermeté, et ils avaient arraché des brindilles pour les lui passer sur la plante et les orteils. Elle riait à gorge déployée, riait sans pouvoir s'arrêter. Et ils s'en donnaient à cœur joie, en s'attardant aux doigts de pieds, qu'elle avait fort sensibles.

Cependant, la fille du 16ème fut également déchaussée : les fripons, qui s'étaient partagé les tâches, la chatouillèrent longuement dans la même posture. J'observai ses orteils ronds et potelés qui gigotaient pendant qu'elle se tordait de rire.

Les deux victimes gémissaient et pleuraient d'hilarité incontrôlée aux mains des jeunes sadiques.

Un peu plus loin, la troisième, capturée à son tour, ne voulut pas être allongée, mais accepta de subir la torture, assise les jambes de côté et les pieds ramenés vers elle ; son bourreau les lui caressait délicatement avec des brindilles, mais, stoïque, elle ne riait pas et gardait son aplomb hautain de princesse captive.

Quant à moi, j'étais resté un peu à distance et contemplais ce spectacle d'un air sans doute mi-intéressé, mi-affligé. L'un des garçons se retourna alors vers moi et dit à ses complices : « et lui alors ? Je suis sûr qu'il est chatouilleux... » Aussitôt, Anne se redressa, à peine remise, toute ébouriffée et les cheveux pleins d'herbe : « oh oui ! oh oui ! Chatouillez-lui les pieds !»

Mais je m'éloignai prudemment vers la fontaine qui était au centre du square, et le chef de la bande eut cette répartie : « bof, non pas lui... ». Nous en restâmes là.

Aujourd'hui encore, il m'arrive de regretter de ne pas avoir donné mon aval au délicieux tourment qui m'était promis. C'eût été sans doute une juste revanche pour la victime enjouée qui me vouait tant de haine. Une haine, au demeurant, bien inoffensive...

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