Histoire : Les baguettes

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Histoire


Histoire ajoutée le 07/08/2017
Épisode ajouté le 07/08/2017
Mise-à-jour le 03/07/2021

Les baguettes

Je n'avais pas vu Sophie depuis bientôt un an.

Depuis qu'elle habite Berlin elle a peu de raisons de passer par Paris.

Quand elle m'a demandé début juillet si je pouvais l'héberger pour trois jours cet été j'ai évidemment accepté.

Sophie est une amie de longue date. Quand nous avions vingt ans nous avons été amants. Curieusement à l'époque nous n'avons jamais envisagé de sortir ensemble, tantôt elle avait quelqu'un, tantôt je n'étais pas libre, on se retrouvait dans les interstices de nos histoires respectives. Une amitié amoureuse.



Pourtant à une époque j'ai hésité.

La première fois qu'on a passé une nuit ensemble, après une soirée chez des amis communs, je me suis laissé dans nos ébats à lui mordiller la plante des pieds, après les avoir tendrement embrassés. Sophie m'a encouragé à continuer, d'abord par ses soupirs puis verbalement "continue, ça chatouille, j'adore ça".

Quand nous avons été repus, en partageant une clope, je lui demandais si elle découvrait cette sensation.

"Non, ce n'est pas nouveau. J'ai toujours adoré ça, j'ai toujours voulu ça, quand un homme regarde mes pieds en se mordant les lèvres ça me donne des papillons dans le ventre immédiatement. J'ai envie de rentrer dans sa tête et savoir quel mauvais sort il réserve à mes pauvres petits orteils, à mes pauvres petits talons, quelles idées salaces lui traversent l'esprit. Hier matin dans le métro j'ai surpris un type en face de moi en plein blocage sur mes doigts de pied qui sortaient des sandales, un bel homme un peu brute, je me suis imaginée pour trois stations que j'étais à sa merci et j'en étais toute troublée pour la journée".

Elle m'expliquait qu'elle se sentait un peu honteuse, un peu bête de vivre dans ce monde de fantasmes où des brutes la kidnappaient pour son plus grand plaisir.

Une complicité sexuelle s'était crée. On partageait ces fantasmes entre deux amis, nous imaginions ensemble des scénarios en nous caressant, des aventures de princesses perdues, corrompues par des voyous, kidnappées par des hommes cruels. Nous partagions nos envies secrètes sur l'oreiller.



A l'époque j'allais de copines en copines et elle de copains en copains, nous cherchions chacun de notre côté le grand amour mais jamais nous n'avions envisagé d'installer nos ébats en histoire.

Il n'y a pas que l'érotisme dans la vie. Même si sexuellement je tenais énormément à Sophie, je ne me voyais pas sortir avec une petite bourgeoise dont le but dans la vie est d'acheter son appartement au plus vite avec ses salaires de cadre.

Elle, de toutes façons, ne se voyait pas fonder quoique ce soit avec un saltimbanque comme moi. Et elle avait raison. La cigale et la fourmi.

Quand elle a rencontré celui qui allait devenir son premier mari nous nous sommes forcément perdu de vue. Puis ils ont acheté un appartement, dans le XVII ème arrondissement. Je vivais encore en squatt.

Parfois on s'est croisé de nouveau par nos amis communs. Si elle était en sandales elle répondait par un clin d'oeil à mon regard insistant sur la peau douce des ses petits pieds tout roses, plus comme un clin d'oeil à une période de sa vie passée qu'à mon envie.



Dix ans plus tard on s'est revu dans un café un soir.

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