Histoire : Les massages de la lune

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Histoire


Histoire ajoutée le 17/12/2018
Épisode ajouté le 17/12/2018
Mise-à-jour le 03/07/2021

Les massages de la lune

Lundi, 08h00 dans le métro.



« Hé voilà, encore une nouvelle semaine de dur labeur qui commence ! » voilà la pensée qui occupe mon esprit alors que je suis assise dans le métro qui m’emmène au travail. Autour de moi les gens ont encore le regard fatigué par une nuit peut-être trop agitée et certainement bien trop courte pour soulager la fatigue du week-end.



Çà et là des parents avec leurs enfants qui les déposent à l’arrêt de l’école pour rejoindre leur boulot ensuite. Alors j’ai beau travailler pour une revue célèbre de bien-être et d’estime de soi, j’avoue que j’ai toujours du mal à faire abstraction des braillements des enfants.



Je ne comprends pas ce concept qui semble animer tant de femme et être l’objectif central de leur existence le point culminant du bonheur. Peut-être suis-je trop moderne mais je n’ai jamais compris comment l’on pouvait mettre tant d’envie dans un truc qui va sacrifier la femme que vous êtes pour la rendre à l’état d’une esclave familiale.



Oui je sais, pas très positive pour quelqu’un qui travaille dans un magazine de bien-être. Mais bon, avec mon conjoint on y a beaucoup réfléchi et finalement l’envie ne nous prend pas pour l’instant. Lui projette de monter sa propre entreprise de chauffage, plomberie et autres travaux et moi, avec mon job de journaliste, mes déplacements et les différents articles que je dois pondre dans une année je n’ai vraiment pas le temps de m’enticher de gosses pour le moment. Trop compliqué.



Mais en fait, je me plains, je parle et j’ai complètement oublié de me présenter. C’est bien moi ça comme je vous l’ai dit, je ne prends jamais une minute à moi.



Alors voilà, je suis Pauline Lafargue, 27 ans et certainement la plus grande journaliste bien-être en devenir. Non aller je vous charrie mais comme je doute beaucoup de moi, j’avoue prendre un certain plaisir de temps à autre à me jeter des fleurs et à me vanter. De toute façon, les gens qui me connaissent bien savent que ce n’est qu’une façade.



Sinon je suis plutôt mince, je mesure 1m74 pour 62 kilos. Pour le reste, je ne suis pas forcément une bimbo mais j’ai plutôt été épargnée : longs cheveux bruns qui descendent sur mes épaules, les yeux verts émeraude, une bouche mince aux lèvres généreuses mais pas protubérantes non plus.



Les oreilles légèrement décollées mais ça je n’y touche pas. D’abord, parce que mon mec trouve ça hyper craquant et c’est déjà l’une des meilleures raisons. Mais aussi et surtout parce que je suis terrifiée parle bistouri.



Oui vraiment je déteste les hôpitaux cette odeur de mort que l’on a l’impression de sentir dans les couloirs, ces gens qui gémissent de douleurs dans leurs lits et attendent des anti douleurs pour se calmer. Et puis surtout côté intervention je suis une vraie douillette.



Bon mais assez parler de moi là, on arrive à la rédaction. Je vais devoir aller attaquer ma nouvelle semaine de travail et me lancer sur de nouveaux sujets. L’information ne prend pas de répit et le public n’attend pas. Je dois les informer de toute urgence. Hahaha c’est comme ça que j’aime me donner du courage le matin. En me faisant passer comme une justicière de l’information. J’aime à penser que je remplis une fonction d’utilité publique et que les gens ne seraient rien sans nous.



Le métro s’arrête juste devant la rédaction. J’attrape mon sac, franchit les portes automatiques et me dirige tout droit vers le bâtiment. C’est une énorme tour, surement la plus haute du quartier qui n’a d’ailleurs comme objectif que de proposer des bureaux aménagés pour les sociétés. En effet, pas moins de 10 sociétés différentes ont leur siège central dans cette tour.



Une fois mon badge scanné je traverse le couloir principal du rez-de-chaussée composé d’un petit salon d’attente comportant deux fauteuils Chesterfield pour faire patienter les visiteurs. Du café et des revues trônent sur une table centrale. Dans le prolongement de la porte, le comptoir en bois derrière lequel se trouve Quentin, le réceptionniste qui redirige chaque client dans la société qu’il recherche. Il a les cheveux courts, blonds et des yeux bleus qui font chavirer toutes les filles de la rédac.



Plutôt mince aux premiers abords, monsieur a un petit faible pour les apéros et le bas de son ventre forme une petite boule de « bide à bière » sur lequel il complexe énormément. Cela fait maintenant 2 mois qu’il tente de le perdre en allant courir au bois tous les dimanches. J’aime bien Quentin, il a des défauts c’est sûr mais il reste un homme foncièrement gentil, honnête et toujours dévoué.



Seulement, il n’arbore aucune confiance en lui et je sais que depuis toujours il se fait exploiter par le boss de la boite. Et puis, Quentin est malheureusement un grand sensible et un homme très amoureux. Un jour, j’ai appris qu’il avait un gros faible pour moi, mais qu’il n’avait jamais osé m’en parler.



Moi je l’ai su par la DRH qui l’avait surpris en train d’écrire un mail à mon attention. Seulement, une fois découvert et pris de panique il a de suite tenter de cacher le contenu. Je ne sais plus très bien ce que cela disait, mais je sais qu’il ne cachait pas ses sentiments vis-à-vis de moi et que depuis plusieurs nuits il ne dormait plus etc… un truc peut-être un peu enfantin mais je me souviens que j’avais été vraiment étonnée et avait trouvé ça plutôt mignon.



Mais Quentin a ce que je déteste chez les hommes sensibles. Il prend la première initiative d’écrire et quand on est prête nous à les entendre de vive voix et qu’on fait un pas vers eux, ils ont les boules et préfèrent se dégonfler. Je l’avais subtilement invité a boire un verre un vendredi soir, pour lui parler de sa lettre et le mettre un peu plus à l’aise.



Je suis en couple c’est vrai mais je ne suis pas contre le fait qu’on exprime ses sentiments et je peux tout à fait entendre qu’un homme soit tombé amoureux de moi. Mais je ne supporte pas les dégonflés ! Il m’a répondu avec un prétexte bidon comme quoi il avait des problèmes d’estomac et ne pouvait manger exclusivement que ce qu’il se préparait lui-même ! Rha mon pauvre Quentin, quand tu seras moins timide tu la trouveras celle qu’il te faut, mais va falloir en avoir un peu plus dans le pantalon.



Je m’approche donc du comptoir pour enregistrer ma journée de travail et que Quentin me donne le badge d’accès aux ascenseurs. Pour le provoquer, je lui affiche mon plus beau sourire.



- Salut Quentin, comment ça va en ce début de semaine ?

- Ha c’est toi ? bredouille-t-il en relevant la tête de son ordinateur. Je te n’ai pas entendue arrivée. Euh… comment tu …. Pardon... comment tu vas aujourd’hui ?

- Bah ça ne va pas mal. Dis, tu sais me donner le pass ? je vais finir par être en retard.

- Ah oui bien sur… tiens ! Ha et Pauline tu ferais mieux de te dépêcher le rédacteur en chef veut te lancer sur un sujet hyper urgent. Il dit que tu seras la candidate idéale.

- OK merci de l’info Quentin je file ! Bisous. »



Je sais que c’est un peu cruel mais j’ai lâché ce « bisous » par pure provocation. En me dirigeant vers l’ascenseur j’ai vu Quentin rougir comme un poisson et suer à grosses gouttes. Je suis peut-être un peu mesquine, mais en réalité il me fait pitié. Tu la trouveras ta belle mon Quentin, j’en suis sûr. Sois patient et oublie-moi un peu aussi.



Arrivé au 3ème étage du bâtiment j’entre dans la rédaction et me dirige vers la machine à café. Comme dans toutes les rédactions de journal en ce lundi ça s’active dans tous les sens. Les uns passent des coups de fils espérant décrocher l’interview de leurs rêves pour leur sujet.



Je vais prestement à mon bureau, saluant quelques collègues au passages et après m’être préparer un café bien fort pour débuter la journée, je me relance dans mon sujet sur les nouvelles thérapies aux plantes. J’ai à peine le temps de finaliser un paragraphe qu’une silhouette me fait de l’ombre au-dessus de l’écran de mon ordinateur.



Je lève les yeux sur mon interlocuteur et constate dès lors, qu’il s’agit d’une interlocutrice. Et pas des moindres, j’ai Sonia Plastro en face de moi. Ho pitié, pourquoi les lundis doivent toujours être si compliqués. Sonia Plastro est la rédactrice en chef du magazine. Blonde, petite, boulotte et horriblement hautaine elle m’a prise en grippe depuis le jour où j’ai été engagée. A l’époque c’était Bernard Doucet qui s’occupait de la rédaction et qui avait cru en moi à la sortie de mes études de journalisme.



Mais bien vite le pauvre homme déjà âgé à l’époque était tombé malade et c’est Sonia qui était en droite ligne. Devenue ensuite la rédactrice en chef, elle a complètement changé la mentalité de la revue et je ne me sentais plus du tout à l’aise auprès d’elle.



Je n’ai jamais compris pourquoi, mais il me semble qu’elle me considère comme une adversaire directe qui veut lui piquer sa place. C’est complètement faux, je veux pouvoir avancer dans ma carrière et faire autre chose que les chiens écrasés mais moi ce qui me plait, ce sont les reportages, le terrain et l’action. Diriger une bande de journalistes dépressifs et sous payés en étant tyran ne m’a jamais attirée. Mais ça, elle, elle ne le comprend pas.



- Bon Pauline, j’imagine que Quentin t’as mise au courant ? Tu mets tous tes projets de côté pour le moment j’ai un sujet qui doit absolument être couvert. Tu pars dès cette après-midi voir de quoi il retourne

- Salut Sonia, bon week-end ?

Sonia dépose le dossier de base contenant les premières infos sur le bureau d’un geste sec.

- Je n’ai pas le temps pour ces conneries Pauline, alors tu ouvres ce dossier et tu te lance dans l’article. Tu rencontres le point de contact cette après-midi en centre-ville. Une toute nouvelle méthode de relaxation et de traitement par des massages dits « révolutionnaires ». Apparemment personne n’en ressort vraiment indemne.

- Ah ouais, des massages hein ? et c’est çà ton super sujet ? Les salons de massages se comptent par centaines dans le centre-ville on arrive tout juste à faire des chroniques dessus. On garde ces sujets généralement pour les fins d’années ou pour meubler quand il manque des articles au bouclage.

- Je m’en fous ! rétorque Sonia, apparemment ici tu ne seras pas déçue ce sont des massages particuliers avec une technique très étudiée. Alors fonce, je te propose une séance de massage cette après-midi intégrale. tu n’auras pas ça dans toutes les boites. Donc tu prends le dossier, tu le bosses et cette après midi interview avec le maître des lieux. Et tu te grouilles.



Je regarde fixement Sonia dans les yeux. Apparemment, elle ne plaisante pas. Je lui confirme avec un peu de sarcasmes que ce sera fait et m’empare du dossier en l’ouvrant à la première page. La garce est déjà de retour dans son bureau, j’ai à peine le temps de lui tirer la langue dans son dos. Bon alors, voyons ce salon de massage. J’étudie attentivement le dossier et tombe sur la carte de visite du propriétaire des lieux.



« Les massages de la lune », aussi légers et doux que le frôlement d’une plume

Du Lundi au samedi de 10 à 19h00 sur rendez-vous »



Je souris en voyant la bête rime dans le titre. Après tout pourquoi pas ? Ils précisent même dans la brochure accompagnant le dossier « massages plantaires révolutionnaires, du jamais vu en relaxation ».



Je sens que finalement je vais peut-être passer une bonne après-midi. Je décroche le téléphone et confirme mon rendez-vous.

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