Histoire : Fatty (titre provisoire)

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Histoire


Histoire ajoutée le 25/06/2021
Épisode ajouté le 25/06/2021
Mise-à-jour le 03/07/2021

Fatty (titre provisoire)

(Je fais un peu de ménage dans mes histoires inachevées, je compte publier ça petit à petit, et peut-être y trouver la motivation de les continuer)

"Fatty, on a besoin de toi, là. Tout de suite!"

Je sens bien qu'elles sont en colère. Surtout Jenny. C'est elle qui me crie dessus, présentement, mais j'ai l'habitude. Et je sais qu'au fond elle m'aime bien.

Je raccroche, je repose ma bande dessinée, et je me mets en marche. En course, en fait, parce que Jenny elle avait l'air drôlement furax. J'en ai pour quinze minutes, environ : je l'ai déjà fait souvent, le chemin jusqu'à Newside.

Quand j'étais petit, M'man ne voulait pas qu'on aille à Newside, Jenny et moi. C'était déjà vieux et sale. Aujourd'hui, c'est encore pire. Du béton, des gros cubes de béton. Vides, à moitié effondrés. On venait quand même, parfois, en cachette. C'est comme ça qu'on avait découvert le repaire.

C'est Jenny qui appelle ça le repaire. Moi, je sais depuis longtemps que ça n'est qu'un vieux local électrique désaffecté. J'y range mes affaires, celles que je ne veux pas qu'on trouve. Et puis celles dont j'ai besoin pour Jenny.

Je referme la porte du repaire derrière moi. Il n'y a pas de clé, mais la porte est si dure que personne ne peut l'ouvrir. Sauf s'il sait comment. Et ça, il n'y a que moi qui sait, même Jenny ne sait pas. Je referme la porte et je m'habille. Je passe mon habit noir, après l'avoir soigneusement déballé. Il y a de la poussière, à Newside, tout le monde sait ça. Et si je n'emballe pas soigneusement mon habit noir, il sera tout gris.

J'enfile mon masque, également, noir lui aussi. Je prends mon sac noir, après avoir vérifié qu'il était complet. Et j'ouvre la seconde porte. Celle-là est facile à ouvrir, il faut juste pousser. Derrière, il y a le couloir. Et tout au bout du couloir, on arrivera dans la "salle-qui-dit-vrai".

Celle-là aussi, c'est Jenny qui l'appelle comme ça. On peut y entrer par ailleurs, mais moi j'y entre toujours par le couloir. Les autres, ils y rentrent toujours par ailleurs. Et ils ne savent pas d'où j'arrive. Ça fait un peu partie du jeu.

Avec mon costume, je suis tout noir, c'est tout juste si on me voit dans la pénombre. Il n'y a que mes doigts qui ressortent, hors des mitaines, aussi blancs que je suis roux. C'est pour ça que dans la salle, je suis Fingers. Et pas Fatty. D'autant que je ne suis plus grassouillet depuis longtemps. Depuis qu'on était enfants, Jenny et moi. Mais c'est fini, je suis grand, et Jenny encore plus.

Dans la salle, il y a des gens. Des filles. Les copines de Jenny. Elles lui parlent toujours avec respect, je crois qu'elle est une sorte de chef. En général, elles sont debout et elles parlent. Souvent, je ne comprends pas ce qu'elles racontent, mais ça a l'air sérieux. Je ne les connais pas, sauf Laura. Elle est plus âgée que Jenny, je crois qu'elle a trente ans. Mais elle n'est pas là aujourd'hui, alors je suis un peu triste. Elle est gentille, Laura. Elle me parle doucement, en souriant.

Au milieu de la salle, comme toujours, il y a une autre fille. Celle-là, elle n'est pas debout, et elle ne parle pas. Elle est attachée sur la table, et elle a un sac en tissu sur la tête. Comme toujours. Elle n'a pas de chaussures, ni de manches. On voit sous ses bras.

Quand j'arrive dans la pièce, Jenny me présente toujours, comme si j'étais nouveau. Et tout le monde fait semblant d'être surpris de me voir, je crois. Enfin sauf la fille sur la table, qui ne me voit pas avec son sac.

"Tu nous as trahies!" Jenny prend sa grosse voix qui fait peur. "Tu nous as trahies, et tu vas connaître le sort réservé aux traîtres!"

Elle me fait toujours un drôle d'effet, quand elle parle comme ça. On dirait qu'elle joue dans un film, ou comme dans les pièces de théâtre qu'on voyait à l'école. En attendant, la fille sur la table ne bronche pas vraiment. On dirait qu'elle essaye de parler, mais le sac doit l'empêcher, ou quelque-chose.

"On aura des tas de questions à te poser, évidemment," murmure d'approbation parmi les copines, "mais pour l'instant, tu vas juste devoir subir Fingers."

Les copines ont l'air un peu gênées. Mi-curieuses, mi-effrayées. Moi, je fais ce que je suis censé faire dans ces cas-là. Je m'approche tout doucement de la fille sur la table. De ses pieds, plus précisément. Ils sont jolis, un peu grands. Elle a du vernis sur les ongles, elle doit aimer en prendre soin.

Je pose mon sac sur la table, et je l'ouvre. J'y prends une plume. Noire. Tout doucement, je la fais courir sur la plante de la fille. Son corps se raidit, instantanément. Je souris sous ma capuche. J'aime bien ce tout premier moment, juste avant de commencer vraiment. Je repasse deux ou trois fois la plume, la réaction est toujours là. Puis, le plus silencieusement possible, je repose la plume et commence à gratter les plantes de tous mes ongles. Une main sous chaque pied.

Cette fois, un spasme traverse les deux pieds. Sous le sac de tissu, un cri étouffé. Elle ne peut pas parler, elle doit être bâillonnée. Sinon, on l'entendrait rire. Derrière moi, je sens les copines tendues. Je les ai déjà vues pendant que je travaille : elles sont comme paralysées, sans pouvoir quitter la table des yeux.


Après un long travail sous les pieds de la fille, Jenny m'ordonne d'arrêter. Sans discuter, je me recule. Elle s'approche de la table, et d'un geste retire le sac, puis le bâillon de la fille.

"Ce n'était qu'une entrée en matière. Mais j'ai envie de t'entendre supplier." Elle dit parfois des trucs comme ça, Jenny. "Fingers!"

C'est à moi. Je reviens vers la table. La fille est toute brillante de sueur. Je vais pour la chatouiller sous les bras, et soudain je tombe sur son visage. Sur cette table, épuisée, c'est Laura.

Sans dire un mot, comme toujours, je me tourne vers Jenny. Lui lance un regard suppliant. Je ne peux pas continuer à faire ça à Laura, ça n'est pas gentil. Jenny me regarde comme si elle ne comprenait pas. Me fait signe de continuer. Je regarde Laura, elle a l'air prête à pleurer. Je dois faire mon travail.

Mes doigts glissent sur ses aisselles humides. Là encore, spasme. D'instinct, ses bras se tendent, comme si elle pouvait espérer les baisser. Laura ne peut pas me reconnaître avec le masque, et c'est heureux. Je continue, je cherche les points sensibles. Cette fois, plus de bâillon, je vais l'entendre rire. Et juste avant, comme un soupir, j'entends un minuscule "Pitié...".

Le rire de Laura emplit la salle assez vite. Je travaille bien, c'est pour ça qu'on me demande toujours à moi. Je travaille bien, et j'aime ça. Mais j'aimerais mieux que ce ne soit pas Laura, sur cette table.

Jenny a commencé à lui poser des questions. Une histoire de billets, planqués quelque-part. Laura a l'air de lui dire où ils sont. Jenny pose d'autres questions, sur des gens que je ne connais pas. Quand les réponses tardent trop, Jenny me fait signe des yeux, et je reprends jusqu'à ce que Laura recommence à répondre.


Il fait déjà nuit quand je ressors du repaire. J'ai tout bien rangé. Je reprends le même chemin qu'à l'aller, mais plus tranquillement. Je lui dirais, à Jenny, que je ne trouve pas ça bien de faire des misères à Laura. Je lui dirais qu'elle est méchante.

Lorsque j'arrive à la maison, Jenny est dans l'herbe devant. Avec une copine, encore une que je ne connais pas. Je ne peux pas lui parler de Laura maintenant, ça fait partie des règles.

"Salut Fatty!"

Je souris à la copine, et rentre dans la maison sans un regard à Jenny.

"Laisse tomber, tu connais mon frère, il est un peu dérangé."

Je monte dans ma chambre. Toujours bien rangée, c'est comme ça. Mal rangée, ça n'est pas vraiment ma chambre. Maman m'a toujours dit de bien la ranger. Je m'assieds sur le lit, et je repense à Laura. C'était long. Je crois qu'elle n'aimait pas. Elle riait, mais je ne suis pas certain qu'elle aimait.

Moi j'ai bien aimé. Elle a la peau douce, Laura. Et elle sent bon.


Jenny est venue me voir, ce soir. Dans ma chambre. Elle était nerveuse, me demandait ce qu'il s'était passé au repaire. Je crois que je boudais un peu, mais je lui ai dit que ce n'était pas gentil avec Laura. Laura est une espionne, m'a dit Jenny. Ca veut dire une fausse gentille, elle a rajouté.

Elle m'a aussi demandé si je voulais arrêter d'être Fingers, après tout ce temps. J'ai regardé ailleurs. Non, je n'ai pas envie. J'aime bien être Fingers. Elle allait me faire un bisou, mais son téléphone a sonné. Elle a beaucoup crié dedans.

Pendant ce temps, je me suis souvenu. De la première fois que j'ai été Fingers. C'était il y a longtemps, Jenny était encore une gamine. Papa et maman étaient sortis pour l'après-midi, et Jenny m'a appelé au sous-sol de notre maison. "Qu'est-ce qu'il y a?", j'ai répondu.

"Viens en bas, je te dis, on joue avec Lucy et on a besoin de toi!"

Je suis descendu, lentement. C'était rare, que Jenny joue avec moi. En bas, il y avait Jenny, évidemment. Et une autre fille que je ne connaissais pas. Et Lucy. Je l'avais déjà vue une fois ou deux, Lucy. Une petite rousse, le genre qui court partout. Là, elle ne courrait pas : elle était debout. Immobile. Les bras en l'air, et sur la pointe des pieds. Au début, je me suis dit que ça devait être fatiguant de rester comme ça, mais en fait ses mains étaient attachées au plafond. Elle a un bandeau sur ses yeux, et un autre dans sa bouche. Jenny met son doigt sur sa bouche : ça veut dire qu'elle ne veut pas que je fasse de bruit.

Elle s'approche de moi, Jenny, et me murmure à l'oreille "Elle est jolie, Lucy, non?". Je fais oui de la tête, elle est très jolie. Surtout comme ça, avec juste son soutien-gorge et son jean. "Tu sais ce qui lui ferais très plaisir?". Je fais non de la tête, mais j'aimerais bien savoir. Jenny sourit, et me glisse "Elle adorerait que tu lui fasses des guilis."

Cette fois, c'est moi qui sourit. J'aime bien faire les guilis. J'en faisais à Jenny quand on était petits, mais je crois qu'elle n'aimait pas trop ça. Si Lucy aime, c'est super. "Par contre, c'est encore mieux si c'est une surprise, alors ne fais aucun bruit. Ne lui parle pas. Juste des chatouilles. Tu sauras?"

Je ne réponds même pas, c'est inutile. Jenny sait que je saurais. Je m'approche derrière Lucy, et je titille ses côtes, là où c'est mou. Comme quand je fais sursauter Jenny, parfois, qui ne s'y attend pas. Et ça ne rate pas, Lucy sursaute. Elle essaye de dire quelque-chose à travers son bandeau, mais je ne comprends pas. Jenny me fait signe de continuer.

Après, c'est plus flou. Je me souviens d'être remonté, il était déjà tard. Presque nuit. Jenny m'a rejoint, ce soir-là, dans ma chambre. Elle m'a félicité : j'avais très bien travaillé, et Lucy était très contente. J'ai demandé si je pourrais revoir Lucy, mais Jenny à fait la grimace. Elle m'a dit que peut-être pas, que Lucy allait bientôt déménager. Elle disait vrai : je ne l'ai jamais revue.

"Je suis désolé Fatty, c'était urgent." Jenny avait terminé sa conversation, entre-temps. Elle m'a fait un bisou sur la joue. "Je suis désolé mon grand, mais c'était important pour Laura."

(à peut-être suivre)

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